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UN ATELIER POUR ADULTES, ADOLESCENTS, ENFANTS

 

Afin d’être claire et précise avec les personnes formées, dont certaines perçoivent le mot « thérapie » au travers d’un suivi extérieur dont elles bénéficient déjà, je me présente à elles comme mosaïste, animatrice de l’atelier – et non pas comme art-thérapeute, ce que  pourtant je suis de par ma formation. 

La finalité de l’atelier étant annoncée clairement, cela permet aux participants de comprendre que va se jouer dans cet espace quelque chose de différent, d’artistique et de manuel, qui les concerne individuellement (même si le projet est une mosaïque collective). Mon intervention les incite ainsi à se re-centrer sur eux-mêmes afin d’y trouver des moyens de création, de la satisfaction et une forme de quiétude.

Fragments,  lien et centre

 

Où sont l’art et l’artisanat ?

 

  • Dans la découverte des différents matériaux

Au départ, les participants sont amenés à découvrir d’où viennent ces matériaux, ce que l’on ressent lorsqu’on les touche. Ils sont invités à entrer en contact avec eux.

 

  • Dans le lien et la formation constructive  d’un tout

En indiquant le « but » de leur création, les participants prennent conscience de la voie sur laquelle il leur est demandé de fournir de l’attention et de l’énergie. Ils intègrent l’idée de progression, de voyage, de chemin, tout comme le marcheur se donne une destination qui l’aidera à tracer sa route.

 

  • Les chemins à emprunter

La pratique de la mosaïque nécessite de suivre plusieurs chemins. Elle demande de savoir casser, tailler, pour ensuite recoller afin de donner une forme précise, du mouvement aux fragments, du rythme aux couleurs.

Exemple de projet : décoration murale, mosaïque sur pierre, bois, personnel ou collectif ; décoration de jardin par des sculptures de pierre recouvertes de mosaïque, etc…

 

Un temps de parole permet de synthétiser  chaque étape.

 

La personne et la création mosaïque

 

Situation initiale

 

Face à la personne à qui l’on propose une activité créative, l’impression peut exister qu’une distance problématique la sépare de l’acte qui lui est nécessaire, voire souhaité par  elle. Il se peut que le participant n’ait pas a priori le désir de transcrire sur un support quelconque, un carton à dessin ou un panneau à composer.

Aurait-il quelque chose à exprimer  ? L’enjeu qui lui est proposé évoquerait-il quelque chose ? Une image ? Quelqu’un ?

L’appréhension de devoir dire pour remplir, de représenter pour agir est bien réelle et sensible. Les tesselles de mosaïque ne sont à ses yeux que des brisures, des fragments. On lui offre un chaos de plus. Acceptera-t-il d’y faire face. Qu’en fera-t-il ? Le subira-t-il comme le symbole matériel d’une désunion ou sera-t-il au contraire tenté de créer l’unité à travers l’image qu’il a choisie ?

Il ressentira dans la pratique ce que chacun éprouve : la mosaïque participe de deux pulsions fortes et sources de satisfaction que sont destruction (rompre, tailler) et construction (dessiner, composer, coller, unir)

 

 

Les premiers pas

 

Peu à peu, la personne s’approprie ces petits morceaux de couleurs qui ont chacun leur (pré)destination dans l’image. Mais il faut en effet les couper, tailler, façonner, ordonner, placer, fixer. Le jeune se prend déjà au jeu de cette matière dont il sait qu’elle dépend entièrement de lui, qu’elle réclame sa vision, son goût des traits, des formes et des couleurs. Il avance en rencontrant sans cesse de nouvelles difficultés à résoudre. Chaque tesselle, pour minuscule qu’elle soit, fait appel à une décision. Une mosaïque n’existe que par la prise des décisions innombrables qui ont rythmé sa création.

L’aspirant mosaïste progresse en écoutant les réponses de la matière appelée à devenir image. C’est une conversation à trois, entre lui, son projet, et les matériaux, avec le corps et les outils pour médiation. Chaque partie impose ses contraintes. Plaisir d’y satisfaire.

La progression du travail est tout sauf aléatoire. Le participant donne forme à un désir émergeant qu’il reconnaît d’un geste à l’autre. Hormis l’émail ou le grès, l’œuvre ne se composera de rien d’autre que de cette succession de choix, de passages à l’acte répétés indéfiniment et dont les conséquences constructives apparaissent peu à peu au grand jour.

Nouvelle distance entre le participant et sa mosaïque : elle est ce qu’il a voulu qu’elle devienne, ce qu’il a été capable d’extérioriser avec sa qualité d’attention personnelle.

 

 

LA FONCTION DE MOSAÏSTE-ART-THERAPEUTE

 

 

J’associe volontairement les trois termes, certes distincts, mais qui forment un ensemble. Savoir se définir afin de pouvoir se positionner dans ce que l’on est et ce que l’on fait me semble être d’une importance première.

 

Le statut de « mosaïste » représente ma base, la source de toute mise en œuvre, il définit par là même l’axe du travail. C’est ainsi que je souhaite me présenter aux participants car c’est bien la mosaïque qui est le pivot actif de l’atelier.

 

Le mot « art » signifie que l’orientation du travail est non pas tournée vers la technique mais vers la création.

 

La qualité de « thérapeute » oriente et alimente le projet, celui d’une pratique de la création dont l’objectif concerne non pas la production mais la relation à l’autre et à sa propre personne.

 

Dans ce parcours la mosaïste-art-thérapeute occupe la place d’un tiers. Le tiers donne une réalité à la relation duale. Il permet au sujet de mettre en forme ce qui est informe, il accueille ce que l’autre fait sortir de lui, il a à entendre ce qui est « in-ouï ». Recevoir ce qui émerge c’est signifier cette émergence dans la réalité. En autorisant à « vivre » ce qui a surgi au cours de l’expérience, à le replacer dans le réel, le tiers permet le passage de la forme « fantasmée » à la forme « réelle ».

 

Que va-t-il se dire autour de tout cela ?

 

Les mots ont une résonance dont le mosaïste-art-thérapeute ne peut faire abstraction. Que va signifier pour telle ou telle personne concernée ; « détruire, casser, tailler, dépasser la limite, reconstruire, donner forme, ouvrir, fermer »… ? La réponse reste individuelle et c’est à la mosaïste-art-thérapeute d’être attentive à la résonance de tel ou tel mot.

C’est à elle également d’être à l’écoute de ce qui va être verbalisé . A entendre ce qui est dit de soi, à le restituer dans la relation à la matière.

 

 

DES EXPÉRIENCES VÉCUES

 

Aux Centres Médico-psychologiques de Narbonne et Lézignan-Corbières      Aux Lieux Ressources de Narbonne et Port-la-Nouvelle

 

 

Depuis le mois de mai 2001, j’interviens auprès des CMP de Narbonne et de Lézignan-Corbières et auprès des Lieux Ressources de Narbonne et Port la Nouvelle. Cette expérience m’a permis d’ajuster la pratique de la mosaïque à des objectifs très concrets de travail social et thérapeutique. J’ai pu concevoir une approche pédagogique et des outils d’animation adaptés à la spécificité des missions qui me sont confiées.

 

Le travail de création artistique en mosaïque est comparable à la vie en ce qu’il est un assemblage. Cet assemblage devient un tout cohérent, quand il est le résultat d’une succession de « remises à l’ouvrage ». Il est la réunion judicieuse et harmonieuse d’innombrables éléments, d’une multitude de doutes et d’espoirs, d’échecs et de réussites, d’obscurité et de lumière.

 

A Narbonne, le Dr Genêt (pour le CMP) peut certainement témoigner du bon fonctionnement de cet atelier qui s’inscrit dans la vocation thérapeutique d’ensemble de ses services. Les patients le fréquentent avec enthousiasme et assiduité. Des dialogues stimulants et riches en contenu s’installent entre eux et moi-même. Il y est question de leurs expériences de vie, de l’actualité, mais rarement de leur pathologie. Il en est de même pour le CMP  de Lézignan-Corbières auprès de Mme Gharbi.

 Dans le domaine de l’insertion/réinsertion, dans le cadre des Lieux Ressources de Narbonne et Port la Nouvelle, auprès de Mme Clauzier et Mme  Martin, cette approche a également montré son utilité pratique.

 

Quant à la créativité des participants et la qualité de leurs réalisations, elles suivent la courbe ascendante d’acquisition normale pour tout nouveau savoir faire. Les progrès sont mesurables, tant en termes de maîtrise technique et de satisfaction personnelle que d’un point de vue artistique.

 

Les participants à l’atelier souhaitent conquérir une part d’autonomie dans la création et considèrent  rapidement leur travail comme une performance individuelle. Je conserve un rôle de conseil technique et d’écoute attentive. Forts de plusieurs réussites concrètes, ils en arrivent à souhaiter montrer leurs travaux à un public en les exposant à la fin de l’année. Ce qui ne manque pas de se produire. Il semble bien que l’atelier leur apporte une assurance et un sentiment légitime de leur propre valeur et de leur capacité à créer une œuvre que leur entourage qualifie positivement.

 

 

EXPERIENCE RÊVES DE GOSSES – NARBONNE

Quand 100 enfants reproduisent une mosaïque antique

 

Cette action a débouché sur le succès collectif de la centaine d’enfants qui ont réalisé un travail délicat et de longue haleine. De leurs mille petits doigts, ils avaient non seulement à réaliser une mosaïque de 4 m2, selon les motifs très précis d’un original antique, à tailler dans le grès une multitude de tesselles, ils avaient surtout à être ensemble, à réussir ce que nous appelons une dynamique de groupe, entre enfants dits extraordinaires et enfants ordinaires. Ils avaient à coopérer les uns avec les autres dans un but précis, avec l’aide de leurs éducateurs et de l’animatrice que je suis. 

De ce point de vue, le résultat artistique n’était pas plus important que le résultat humain. Ce qui a beaucoup compté dans ce projet étalé sur cinq mois, ont été les échanges entre des êtres différents, occupés à des affaires cloisonnées et si peu comparables dans des mondes qui ne se rencontrent pas toujours.

Tous se sont réunis pour aider à la concrétisation de ces Rêves de gosse , titre de l’action parrainée et organisée par les Chevaliers du Ciel et le Rotary avec de multiples partenariats privés et institutionnels, dont celui de centres d’éducation spécialisée et d’un centre aéré, le JAV, de Narbonne.

 

 

 

 

 

BREAKING AND BRINGING TOGETHER

 

WORKSHOPS FOR ADULTS AND TEENAGERS

Even though I am a trained art therapist, I present myself as a mosaicist when running workshops. This is because I want to be perfectly clear to those attending the workshops, some of whom see the word "therapy" as referring to external counselling which they already receive.

 

Once the goal of the workshop has been clearly stated, participants are able to understand that something different is going to happen here, something both artistic and manual, which addresses them as individuals (even though the project may be a collective mosaic). My method encourages them to recentre on themselves in order to find methods of creation, satisfaction, and a form of peace.

 

Fragments, links and the centre.

 

What are art and craftsmanship?

 

                                   

  • Discovering different materials

       To start with, participants are invited to discover where the materials come from, what they feel like when touched. They are encouraged to make contact with them.

 

  • The link, and the construction of a whole

       By stating the "goal" of their creation, participants become aware of the process to  which they are                asked to devote their attention and energy. They integrate the idea of progress, travelling, a path,                just as a walker decides on a destination -- a necessary prerequisite for planning the route.

 

  • The paths to take

            The practice of mosaic-making means following several paths. The mosaicist must know how to break and cut, then stick fragments together in order to give a precise         form and movement to the pieces and a rhythm to the colours.

 

Examples of projects: wall decorations, mosaics on stone or wood, individual or collective; garden decoration using stone sculptures covered with mosaic, etc.

 

Each stage is synthesised through a group discussion.

 

The person and the creation of the mosaic

 

Starting point

When a creative activity is proposed, even if the person needs or wants to participate, you may have the impression that there is a gulf between the person and the activity. The participant may not even want to transcribe something onto a medium: a drawing board or a panel.

Do they have anything to express? Does the challenge inspire something in them? An image? A person?

The fear of having to say something in order to fill a space, to represent something in order to act, is real and perceptible. In the participant's eyes, the mosaic tesserae are just broken pieces, fragments. He or she is being offered yet one more form of chaos. Will he accept the challenge? What will he do? Submit to it as the material symbol of disunity, or be tempted to create unity through the image he has chosen?

During the practical work, participants will experience what everyone does: creating mosaic brings together two strong impulses and sources of satisfaction: destruction (breaking, cutting) and construction (designing, composing, sticking, bringing together).

 

First steps

Little by little, each participant takes possession of these little fragments of colour which each have their role in the image. But first they must be cut, trimmed, fashioned, ordered, placed, fixed. The young person is soon caught up in the game with this material, knowing it depends entirely on him, that it is asking for his vision, his taste in lines, shapes, and colours. As he progresses, he constantly meets new difficulties which must be resolved. Each tessera, tiny as it is, requires a decision. A mosaic only exists through innumerable decisions taken throughout its creation.

The apprentice mosaicist progresses by listening to the responses of the material destined to form the image. It is a three-way conversation between the person, his project, and the materials, with the body and the tools as mediators. Each part imposes its constraints, and the pleasure is in satisfying them.

The progress of the work is far from random. The participant gives shape to an emerging desire which he recognises from one gesture to the next. Apart from enamel and earthenware, the work is composed of nothing other than this succession of choices, of indefinitely repeated actions whose consequences are gradually revealed.

There is a new distance between the participant and the mosaic: it is what he wanted it to become, what he was able to express with the quality of his personal attention.

 

 

THE WORK OF THE MOSAICIST-ART-THERAPIST

 

I explicitly associate these three terms, which, although distinct, form a whole. Knowing how to define yourself in order to position yourself in what you are and what you do seems to me to be of crucial               importance.

The status of "mosaicist" represents my base, the source of every project, it defines the axis of my work. This is how I wish to present myself to participants because it is mosaic which is the active hub of the workshop.

The word "art" signifies that the work is directed not towards technique but towards creation.

The term "therapist" directs and feeds the project, a practice of creation whose goal is not production, but relations with others and with oneself.

In this context, the mosaicist-art-therapist takes the place of a third party, giving reality to the dual relationship. An outsider helps the subject to give form to something formless, accepts what the other brings out from within himself, listens to the "unheard". Receiving what comes out gives meaning to this emergence into reality. By giving permission to live to what has come out during the experience, by placing it in the real world, the outsider enables the passage from the fantasy form to the real one.

 

 

Talking about the project

Words have a resonance which the mosaicist-art-therapist cannot ignore. What will "destroy, break, cut, go beyond the edge, reconstruct, shape, open, close ..."  mean to each person involved? The response is individual and the mosaicist-art-therapist must be attentive to the resonance of each word.

She must also be ready to listen attentively to what is said, hearing what each person says about him- or herself, and reconstruct it in the relation to the materials.

 

 

 

 

 

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